Votre première découverte sur l’axe intestin-cerveau ?
La première fois que nous avons prouvé que les bactéries intestinales affectaient les fonctions cérébrales a été tellement excitante ! Nous l’avons observé chez des souris infectées par H. pylori : l’infection bactérienne n’a pas seulement impacté le fonctionnement de l’estomac, elle a également affecté certaines parties du cerveau qui contrôlent la prise de nourriture,modifiant ainsi les habitudes alimentaires des souris. Nous avons ainsi démontré l’altération de la communication entre l’intestin et le cerveau. D’autres preuves sont venues de l’observation selon laquelle l’administration d’antibiotiques à des souris saines pouvait modifier leur comportement et la chimie de leur cerveau.
Votre première
frustration ?
La frustration fait partie intégrante de la science et
nous nous sentons très souvent frustrés ! Même si
beaucoup d’expériences ne fonctionnent pas, il ne
faut pas se décourager ; il faut essayer encore et
encore, réfléchir et trouver de nouvelles solutions.
Et le dixième essai peut être le bon…
Le niveau de frustration peut être en général plus
élevé dans le domaine du syndrome de l’intestin
irritable. Il s’agit d’un trouble complexe, avec de
multiples déclencheurs et mécanismes sous
jacents qui se manifestent toutefois de manière
similaire sur le plan clinique En effet notre corps ou
notre intestin dispose dun nombre limité
de moyens pour faire savoir que quelque chose ne
va pas en gros il sexprime par la douleur
la diarrhée et la constipation
Notre travail consiste à déchiffrer et à identifier les
mécanismes individuels et à trouver les meilleurs
biomarqueurs Cest une tâche difficile et lente
mais je suppose que cest pour cela que vous êtes
si heureux lorsque quelque chose marche enfin
lorsque vous avez trouvé au moins une pièce du
puzzle et que vous savez où elle va
Votre première fierté ?
Pour tous les chercheurs, les plus
grandes sources de fierté sont les
articles publiés, les conférences bien
présentées, l’obtention de bourses - ce
sont des évènements vraiment gratifiants.
Mon premier moment de fierté a été la
publication de mon tout premier article
dans la revue Gastroenterology
Une source d’espoir ?
Au cours des dernières décennies, nous avons réalisé des progrès considérables dans le domaine du syndrome de l’intestin irritable, tant au niveau de la recherche que des traitements. Nous disposons aujourd’hui de médicaments très efficaces, même s’ils ne fonctionnent pas chez tous les patients. En effet,les symptômes du syndrome de l’intestin irritable sont déclenchés par des voies multiples et une approche unique a peu de chances d’être couronnée de succès. Nous devons apprendre à identifier les sous-groupes de patients présentant différents mécanismes pathologiques, découvrir de nouveaux biomarqueurs et traiter non seulement les symptômes,mais aussi la(es) cause(s) sous-jacente(s). Au cours des dernières décennies, nous avons acquis des connaissances considérables sur le microbiome, l’alimentation et leurs interactions qui, à mon avis, sont les principaux déterminants des symptômes des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable. Je suis convaincu que les recherches futures dans ce domaine apporteront des réponses définitives à nos problématiques actuelles.
21