Patrick De Boever
PDB : Absolument. Nous devons aller au-delà de l’in-
testin pour étudier l’interaction entre le microbiote hu-
main et l’exposome (le microbiome environnemental),
et inversement. Il est important de connaître l’ensemble
des effets sanitaires auxquels nous sommes exposés au
cours de notre vie.
JD : Et nous pouvons aller encore plus loin, pour parler
du concept « One Health », une seule santé, selon lequel
l’Homme, les animaux et les écosystèmes vivent tous en
harmonie. Sur le plan clinique, il faut également mentionner
les vastes études de cohorte, comme le « Million Micro-
biome of Humans Project », qui permettent aux chercheurs
d’avoir accès à une quantité de données à une échelle
sans précédent. Nous allons être témoins de nouvelles
découvertes.
Quels sont les prochains défis majeurs à relever ?
JD : En termes de complexité, je pense à deux points :
la standardisation des méthodes utilisées pour l’analyse
du microbiote et la législation concernant les nouveaux
traitements qui ciblent le microbiome.
Si nous parvenons à standardiser ces méthodes, nous
serons en mesure d’apporter des informations sur le mi-
crobiote aux médecins, qui pourront les utiliser dans leur
pratique clinique. Nous disposons de nombreux outils
d’analyse, mais le processus varie selon les pays. Si nous
voulons présenter aux cliniciens des informations convain-
cantes sur le microbiome, nous devons établir des normes
au niveau international.
PDB : Je suis d’accord. Une collaboration plus structu-
rée et mieux organisée serait grandement bénéfique pour
notre domaine. Nous avons également besoin de davan-
tage d’archives ouvertes et d’une législation plus claire sur
la commercialisation des biothérapies. En France, l’Institut
de Recherche Pharmabiotique réunit des chercheurs et des
entreprises avec les autorités législatives et de sécurité, mais
cela concerne un domaine spécifique du microbiome. Un
organisme européen plus centralisé, semblable au Micro-
biome Centres Consortium aux États-Unis, serait certaine-
ment d’une grande aide.
JD : Il ne faut pas oublier la régulation. Par exemple, dans
quelle mesure le RGPD menacera-t-il notre capacité à pu-
blier des données de séquençage à l’avenir, s’il est jugé illé-
gal d’identifier le microbiome d’un individu ?
PDB : Tout à fait. J’ajouterais que certaines questions re-
lèvent à la fois des défis et des opportunités. La science des
données en fait partie. Nous disposons de vastes quantités
de données (micro)biologiques qui peuvent nous fournir de
nouvelles informations grâce à l’apprentissage automatique
et à l’Intelligence Artificielle. L’accès aux données et la pro-
tection de la vie privée font l'objet d'une grande vigilance.
JD : L’alimentation constitue une autre opportunité. Nous
savons qu’il existe un lien avec le microbiote, mais nous de-
vons aller plus loin, et prendre en compte la façon dont les
individus se nourrissent ainsi que leur santé globale, au-delà
des troubles gastro-intestinaux.
En ce qui concerne la recherche,
quelle relation entretenez-vous avec l’industrie ?
JD : C’est une bonne question. Je suis convaincu que le
financement de la recherche par l’industrie est essentiel.
À mes yeux, c’est la seule façon de transmettre nos inno-
vations aux médecins, puis à l’ensemble de la société. Je
pense également que les start-up devraient bénéficier de
davantage de soutien.
PDB : C’est tout à fait vrai. Nous pouvons avoir un impact
uniquement si les produits les outils ou les diagnostics sont
applicables à la société et au marché Nous devrions faire de
la collaboration avec les entreprises une plus grande priorité
car elles disposent non seulement dune expertise complé
mentaire mais également des ressources nécessaires pour
faire avancer la recherche et le développement des produits
Êtesvous optimistes pour lavenir
PDB Bien entendu Il suffit de voir avec quelle rapidité la
science a progressé au cours des cinq dernières années À
mesure que la technologie saméliore nos connaissances
progressent
JD Je suis dun naturel optimiste et jai de bonnes raisons
pour cela Dans les domaines du diagnostic de la préven
tion et des traitements nous pouvons espérer de grandes
avancées au cours des cinq prochaines années et audelà
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