« C’est comme si on avait
découvert un nouveau continent ! »
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser au microbiote, en 2003,
ce n’était pas du tout un sujet à la mode. On se moquait un peu
des personnes qui passaient leur journée à travailler sur les déchets
du corps humain… Ce que j’ai tout de suite trouvé passionnant, c’était
d’œuvrer à quelque chose de nouveau. C’est comme si on avait
découvert un nouveau continent ! Aujourd’hui encore, on défriche,
et on participe régulièrement à des découvertes essentielles pour la santé humaine.
Le microbiote connecte de nombreuses maladies entre elles : travailler sur ces liens est
extrêmement intéressant d’un point de vue médical. Comprendre comment fonctionnent
les interactions entre micro-organismes et cellules humaines, en envisageant
un écosystème global, est réellement passionnant.
Les grandes avancées de la recherche ?
L’intérêt du microbiote est aussi qu’il reconnecte la santé humaine à l’environnement
dans lequel nous évoluons. Ce concept de santé globale n’intéressait pas grand monde
au début des années 2000. Et pourtant, en moins de vingt ans, on est passé
de la description d’un écosystème à de la thérapeutique appliquée chez l’homme.
C’est fantastique… d’autant que l’on n’en est qu’aux débuts !
À mon sens, les plus grandes avancées de ces dernières années en matière
de recherche sur les microbiotes ont concerné la transplantation fécale et la
démonstration du rôle joué par le microbiote dans de nombreuses pathologies
et dans certains traitements. Ainsi, on a vu émerger la notion de causalité circulaire :
la maladie altère le microbiote, qui va à son tour amplifier la maladie. Le constat,
c’est que les anomalies du microbiote sont en lien direct avec des modifications de
notre environnement et de notre alimentation. Appréhender ces causalités de façon
circulaire, et non plus seulement linéaire comme on le fait d’habitude, est une vision
assez nouvelle en médecine.
De nouveaux traitements pour demain ?
Je dirais que les solutions les plus prometteuses concernent l’utilisation des
probiotiques de nouvelle génération, c’est-à-dire des micro-organismes isolés
du microbiote humain et sélectionnés de façon rationnelle pour leurs effets biologiques.
La transplantation fécale est aussi très intéressante, particulièrement pour les situations
dans lesquelles on envisage qu’un nombre limité d’administrations sera suffisant.
En revanche, il sera très difficile de développer cette approche à grande échelle
pour des pathologies chroniques et fréquentes et cest là que les probiotiques
de nouvelle génération prennent tout leur sens
Si lon se projette sur les techniques de demain les sciences dites omiques
comme la métagénomique ou la métabolomique combinées à lintelligence artificielle
représentent des champs dinvestigation prometteurs Même si aujourdhui elles
ne sont pas utiles pour la prise en charge des malades elles pourraient dans
un avenir proche permettre de mettre en place des nouveaux outils de diagnostic
ou de prédiction qui seront utiles pour la médecine cest un vaste domaine
à investir pour lavenir
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